Login

Mobilisations syndicales: chacun a sa stratégie pour se faire entendre

Le refus de l'accord du Mercosur est une des revendications commune des syndicats (ici FNSEA et JA à Auch).

Les manifestations ont repris de plus belle cet automne, menées par des syndicats aux méthodes variées. Leur objectif : interpeller le gouvernement et se distinguer à l’aube d’un scrutin décisif.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

« On gagnera ces élections, la victoire est ici. » À Poitiers, les élections des chambres d’agriculture de janvier 2025 se sont glissées jusque dans les paroles du chant des adhérents de la Coordination rurale (CR) lors de leur congrès annuel, le 20 novembre 2024. Car si les manifestations témoignent d’un mal-être prégnant, la campagne électorale est définitivement lancée par les syndicats. En prévente au congrès, un essai critique sur l’état de l’agriculture française de la présidente de la CR sortira le 2 du même mois, tandis que le hashtag #levoteutile s’est immiscé sur chaque post twitter.

La Confédération paysanne et la CR ont particulièrement visé la FNSEA au cours de certaines de leurs mobilisations et communications depuis la mi-novembre. La double casquette de président du conseil d’administration du groupe Avril et de président de la FNSEA d’Arnaud Rousseau est notamment pointée du doigt, comme lors de la mobilisation organisée par la Confédération paysanne, le 20 novembre devant le siège du groupe près de Rennes. Ou lorsque, le 22 novembre, une cinquantaine d’adhérents de la CR 47 s’est massée devant le congrès de Légumes de France, à Agen, où intervenait Arnaud Rousseau. Ces derniers souhaitant échanger avec lui, le président de la FNSEA a finalement quitté les lieux à la demande du préfet sous la protection des forces de l’ordre. Arnaud Rousseau a ensuite dénoncé « des méthodes lamentables ».

Bataille d’images

Blocages de plateformes logistiques de grandes surfaces, déchets jetés devant les préfectures, les MSA, l’Office français de la biodiversité (OFB) et autres acteurs du monde agricole… La présidente de la CR assume un mode d’action musclé, à contre-courant du syndicalisme majoritaire. « Le lisier ça se nettoie. La casse, il n’y en a pas eu ou à la marge. Si ça, ça fait peur à certains, moi non parce que je préfère les voir se défouler comme ça plutôt que de voir des suicides dans nos fermes », revendique Véronique le Floc’h.

Aux actions musclées, la Confédération paysanne préfère les mobilisations à visée symbolique comme dans la Manche « contre l’industrialisation de la tomate », devant « une des plus grandes serres d’Europe » détenue par un investisseur hollandais, ou à Limoges lors d’une session de la chambre d’agriculture, avec le slogan « Agrivoltaïsme, ne tombez pas dans le panneau ». Dans plusieurs villes, le syndicat s’est mobilisé contre l’accord du Mercosur avec des actions « bétail contre bagnoles » devant des concessions automobiles ou encore, 25 ans après les premières mobilisations, devant le célèbre McDonald’s de Millau. Le syndicat dit vouloir « cibler les vrais responsables » plutôt que les infrastructures publiques et leurs salariés.

À une tout autre échelle, le Modef a aussi appelé à se mobiliser à plusieurs reprises durant le mois de novembre, sans avoir la force de frappe des autres syndicats.

De leur côté, la FNSEA et Jeunes Agriculteurs, qui allient leurs forces, avaient laissé un message clair à leurs troupes, lors du lancement de leur mouvement le 13 novembre dernier. Sur le thème des « feux de la colère », les évènements initiés le 18 novembre sont restés maîtrisés « dans le respect des biens et des personnes » et souvent symboliques, cantonnés aux rues, places ou ronds-points dédiés à l’Europe. La nouvelle phase voit cette fois les bâtiments des préfectures, Dreal, OFB ou autres agences de l’eau visés mais là encore, avec pour consigne d’éviter les dégradations. Une manière de se poser en syndicat « responsable » face à des concurrents plus véhéments sur le terrain, quitte à être moins visible sur les chaînes d’info en continu. « Certains pensent que hors du chaos, de la radicalité et des menaces il n’y a pas d’avenir. Ça n’est pas notre point de vue », a redit Arnaud Rousseau sur France 2 le 26 novembre.

Des revendications qui se recoupent

Si l’actualité liée aux négociations sur l’accord du Mercosur a unanimement été pointée du doigt comme le déclencheur du retour des tracteurs dans la rue, les syndicats considèrent que les engagements du gouvernement n’ont pas été remplis et chacun pointe ses « lignes rouges ».

La FNSEA et JA mettent en avant trois sujets. Un premier volet d’actions pour dénoncer « l’Europe passoire » visait clairement l’accord avec le Mercosur et les importations de produits agricoles de régions moins exigeantes en termes de normes. Le deuxième consacré à la « simplification » a été lancé le 25 novembre pour accélérer la mise en place des mesures annoncées par le gouvernement. La troisième phase portera sur le revenu et la répartition de la valeur dans les filières au début du mois de décembre. Et si aucune date précise n’est pour l’instant arrêtée, la grande distribution pourrait être cette fois la cible.

La CR centralise ses revendications autour de deux points : « avoir du revenu, et ne pas se faire embêter », résume Véronique Le Floc’h. Cela passe en particulier par la dissolution de l’OFB, une loi d’encadrement des multinationales et des coopératives, une exonération complète de la taxe sur le foncier non-bâti, et surtout « la fin de la surtransposition ».

Tandis que les thèmes des mobilisations choisis par la Confédération paysanne regroupent la majeure partie des revendications du syndicat : défense du revenu avec la mise en place de prix plancher, financement de la protection sociale, refus des accords de libre-échange, lutte pour une autre politique sanitaire, et combat contre l’accaparement du foncier par les énergéticiens. Le syndicat dénonce aussi « l’inadaptation du système assurantiel actuel face aux aléas climatiques » et revendique la création d’un fonds mutuel et solidaire.

Si l’agenda électoral est bien dans le viseur des syndicats, reste à savoir si les agriculteurs trouveront d’ici là dans les méthodes et les positions des syndicats une réponse à leurs attentes qui les incitera à aller voter.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement